• L'ouvrage de Sebastian Haffner, un Allemand anti nazi

     
    1937... Images de l'aveuglement d'un peupleUn écrivain allemand, Sébastian HAFFNER
    , auteur d'un témoignage au vitriol sur ce qu'il conserve comme souvenirs d'une Allemagne qu'il avait dû quitter en 1938, avait des mots forts pour décrire ses ressentis de citoyen. Ce qui l'opposait au Troisième Reich, « c'était, dit-il, une lutte inégale entre deux adversaires : un Etat extrêmement puissant, fort, impitoyable et un petit individu anonyme et inconnu. L'individu n'était en aucune façon un politicien, encore bien moins un conjuré ou un ennemi de l'Etat. Il restait tout le temps sur la défensive et ne voulait qu'une chose, préserver ce qu'il considérait, à tort ou à raison, comme sa propre personnalité, sa vie privée, son honneur. Or, l'Etat dans lequel il vit et auquel il a affaire l'attaque sans arrêt, avec des moyens certes rudimentaires, mais parfaitement brutaux. En usant les pires menaces, cet Etat exige de l'individu qu'il renonce à ses amis, qu'il abandonne ses amies, qu'il abjure ses convictions, qu'il adopte des opinions imposées et une façon de saluer dont il n'a pas l'habitude, qu'il cesse de boire et de manger ce qu'il aime, qu'il emploie ses loisirs à des activités qu'il exècre, qu'il risque sa vie pour des aventures qui le rebutent, qu'il renie son passé et sa personnalité, et tout cela sans cesser de manifester un enthousiasme reconnaissant. L'Etat, précisera HAFFNER, c'est le Reich allemand et l'individu c'est moi... Ils ont submergé les Allemands de cet alcool de la camaraderie auquel aspirait un trait de leur caractère, ils les ont noyés jusqu’au delirium tremens. Partout ils ont transformé les Allemands en camarades, les accoutumant à cette drogue depuis l’âge le plus malléable : dans les jeunesses hitlériennes, la SA, la Reichwehr, dans des milliers de camps et d’associations et ils ont, ce faisant, éradiqué quelque chose d’irremplaçable que le bonheur de la camaraderie est à jamais impuissant à compenser ».

    Qu'aurait pu faire, face à cet Etat nazi, Raimund PRETZEL (le véritable nom de Sebastian HAFFNER), sinon partir et tenter de vivre ailleurs en compagnie de son amie juive Erika avec ce que tout cela supposait de difficultés. Surtout après avoir dû faire un stage chez les S.A pour avoir le droit de poursuivre l'accès à une carrière de magistrat. Une fois en Angleterre, il devra d'ailleurs supporter au départ une précarité qui ne lui permettra pas de vivre comme il l'aurait souhaité et il devra attendre 1954 pour pouvoir retourner dans son pays et y entreprendre une carrière de journaliste et d'historien assez loin de celle de magistrat. Par la suite, PRETZEL ne cherchera pourtant pas à publier ce premier écrit, craignant d'être traité de menteur. Le manuscrit retrouvé par ses deux enfants publié, ce livre jettera d'ailleurs le trouble chez un certain nombre d'historiens lors de sa publication en 2000. Il était absolument impossible à leurs yeux qu'une personne n'appartenant pas à leur cercle puisse jouir d'une si extraordinaire lucidité et décrire de tels événements en disant qu'il les avait vécus, alors même que beaucoup s'étaient cachés pour y échapper. On avait sûrement dû y apporter des ajouts en phase avec ce qui s'était passé à la fin des années trente. 

    Pour gagner l'Angleterre après être passé par Paris, Raimund PRETZEL dut faire une demande de recherche fictive pour un reportage de voyage en Angleterre. En arrivant à Cambridge en Angleterre le 29 août 1938, Erika et Raimund se marieront, emménageant dans une petite maison que leur fournira le frère d'Erika, Kurt. Parti à la recherche d'un emploi, qu'aurait pu faire un journaliste allemand en temps de guerre ? En tant qu'avocat ou en Droit, ses compétences linguistiques ne suffisaient pas et devenir photographe de presse ne lui convenait pas davantage. La famille PRETZEL vivra donc des économies modestes dont elle disposait et Raimund travaillera dans un journal intime, qui se devait d'inclure ses expériences de ces dernières années en Allemagne. Il savait qu'il lui fallait agir sans perdre de temps, éveiller les Anglais aveuglés par les rêveries de CHAMBERLAIN. Savait-on ce qui s'était vraiment passé en Allemagne après l'arrivée au pouvoir des nazis ? Abandonnant son journal, PRETZEL commencera à écrire son nouveau livre "Allemagne : Jekyll & Hyde", une analyse impitoyable des Allemands en général, des nazis dans le concret et surtout d'HITLER. Seulement, son mariage avec Erika, qui n'avait eu lieu qu'en Angleterre, sera interprété comme un mariage simulé et verra PRETZEL emprisonné au centre de détention de Seaton. Interrogé par le commandant du camp, il réussira cependant à le convaincre de ne pas envoyer son manuscrit au ministère de l'Intérieur, mais directement à l'éditeur Frédéric WARBURG à Londres. "Allemagne : Jekyll & Hyde" sera publié en avril/mai 1940 sous le pseudonyme de Sebastian HAFFNER, Raimund étant désireux de protéger sa famille restée en Allemagne au cas où les nazis auraient l'idée de se venger de lui à travers eux. Pourquoi le nom d'HAFFNER ? Tout simplement parce qu'il se souvenait de la Symphonie Haffner de Mozart, et que c'était sa musique préférée. Et il décidera d'opter aussi avec Sebastian pour un prénom à consonance germanique. Dès les premiers exemplaires prêts, WARBURG les enverra aux journalistes, aux dirigeants des syndicats, aux parlementaires, aux banquiers et aux autres décideurs et il organisera de nombreuses lectures publiques devant des personnalités importantes dont Winston CHURCHILL qui appréciera ce document. L'intérêt pour le livre devenant grand, cela fera de Raimund PRETZEL un important et populaire Sebastian HAFFNER.

    Nous vous invitons à prendre le temps d'écouter la bande audio qui suit pour en savoir davantage encore. Il serait surprenant que vous n'ayez pas envie, ensuite, de lire ce brillant témoignage. 


     

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  • Le Munchener Post : il s'opposera à Hitler jusqu'en mars 1933

    Le Munchener Post : il s'opposera à Hitler jusqu'en mars 1933En cette journée du 9 mars 1933, alors que paraissait son n° 54, le Münchener Post créé en 1886 vivait ses dernières heures. Suivra en effet un saccage des S.A et si certains employés encore sur place et leur rédacteur en chef Edmund GOLDSCHAAG réussirent à s'enfuir pour ne pas tomber aux mains des nazis, d'autres en revanche furent aussitôt arrêtés et déportés en camp de concentration. D'obédience social-démocrate, et farouchement opposé à Adolf HITLER, le journal se doutait bien qu'il n'avait plus aucune chance depuis la fin janvier de survivre, surtout après s'être opposé aussi régulièrement depuis une douzaine d'années aux visées d'un homme dont il redoutait les agissements. Longtemps, il avait pensé pouvoir combattre les nazis et HITLER par l'ironie, sans se douter que ceux-ci pourraient, un jour, arriver au pouvoir et avoir la loi pour eux. Peu à même de gagner un pareil combat, les journalistes du Münchener Post poursuivirent cependant leur mission d'information jusqu’au 9 mars 1933 et ce dernier numéro 54. Ce 9 mars, peu après la dernière élection du Reichstag et son incendie à la fin du mois précédent, un groupe de nazis apparut à Altheimer Eck, ravageant la rédaction, détruisant les rotatives comme des vandales, et jetant des machines à écrire par la fenêtre. Le journal fut aussitôt interdit, et les éditeurs arrêtés voire déportés, alors que quelques jours plus tôt, il intitulait encore dans l'une de ses colonnes : « Nous ne serons pas intimidés ! » Sur le coup d'un mandat d'arrêt, recherché par la police, GOLDSCHAAG n'aura d'autre solution que celle de se cacher chaque jour chez un copain différent. Autour de l'équipe de rédaction, le directeur de publication Eugen KIRCHPFENNIG qui avait déjà fait l'objet de poursuites des nazis sera l'un des plus inquiétés. Avec l'un des plus anciens du journal Martin GRUBER, Erhard AUER et Julius ZERFASS, ils seront quelques autres à l'être également. Les locaux du Münchener Post vidés, seront ensuite réquisitionnés pour abriter un foyer de S.A.

    Ernst Rohm, le prétendu rival de l'ombre...Le fils d'Edmund GOLDSCHAGG (ci-dessus), l'un des courageux rédacteurs témoigne dans un reportage de cette longue opposition au futur Führer. Pour le média Süddeutsche Zeitung, il y avait une chose qui accentuait la haine de HITLER : le fait que les attaques du Münchener Post l'aient montré du doigt à un moment où les masses ne l'acclamaient pas encore et qu'il souffrait de complexes graves, d'autant que ces attaques étaient pour la plupart pertinentes. A l'évidence, on ne prenait pas encore l'ancien caporal au sérieux. Pour les journalistes HITLER avait un côté faible, son début de carrière était raté. C'était un petit homme qui avait curieusement le sentiment d'être appelé par une grande destinée et qui, s'opposant à des sentiments d'infériorité, blâmait ceux qui étaient responsables du chaos traversé par l'Allemagne : Juifs, Démocrates et tout ce qui appartenait à un système en place. S'étonnant qu'un homme pareil puisse mener un tel train de vie au milieu de toute une bande de femmes sans disposer de revenus en se faisant passer pour le roi de Munich, le journal de GOLDSCHAAG et de GRUBER avait titré un jour : « Adolf HITLER est-il un traître ? ». Au début des années trente, à son retour de Bolivie où il était instructeur, rappelé par HITLER, le Münchener Post s'en prendra également à l'homosexualité d'Ernst ROHM avec une caricature (ci-dessus) et un article évoquant « La chaude camaraderie dans la maison brune » qui provoquera un véritable tollé en Allemagne. Et, en septembre 1931 surviendra le prétendu suicide de la nièce d'HITLER, Geli RAUBAL ! Un véritable pain béni pour le média munichois !

    Comme le dira un observateur désabusé à propos de l'arrivée des nazis et d'HITLER au pouvoir, « tout avait été écrit et dénoncé, mais sans être empêché... ». Il est démontré que le journal aura consacré beaucoup d'efforts à cette lutte, n'hésitant pas à affirmer que les nazis n'étaient en aucun cas des opposants politiques au régime en place mais plutôt, avec HITLER, une bande de gangsters. Le Münchener Post, qui n'était même pas le journal le plus important de Bavière, a été le seul à avoir dénoncer les nazis pour ce qu'ils étaient. Le 6 octobre 1945, Edmund GOLDSCHAAG qui avait réussi à échapper au rouleau compresseur nazi obtiendra l'autorisation des Américains de publier un premier quotidien en Allemagne et ce sera le Süddeutsche Zeitung.

     

     

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  • Georges Guingouin, le maquisard dont on voulait la peau

    Georges Guingouin, le maquisard dont on voulait la peauFils d'un sous-officier mort au front en 1914, il aura été le résistant le plus décoré de France, et pourtant... Pourtant, c'est loin des siens et de sa terre limougeaude que disparaîtra Georges GUINGOUIN en 2005, à 92 ans.

    Devenu communiste à la veille du Front Populaire de 1936, blessé en juin 1940 après avoir été mobilisé, il quittera l’hôpital pour éviter d’être fait prisonnier par les Allemands. et il sera d'ailleurs vite hors de question que Georges GUINGOUIN collabore avec Vichy. D'où sans doute cette opposition qui en fera pour un Jacques DUCLOS appelé à remplacer Maurice THOREZ au moment de la signature du pacte de non-agression liant les nazis et l'URSS, un opposant et un militant qu'il convenait de surveiller. Cependant et malgré l'interdit qui frappait les communistes jusqu'à l'été 1941, "Lou Grand" réorganisera les cellules dont il avait été l'un des responsables en Haute-Vienne. Il obtiendra même la reconnaissance et le soutien des agriculteurs de la région et c’est parmi eux qu’il recrutera le gros de ses futures troupes, notamment ces « légaux » qui, tout en menant dans leur ferme ou leur village une vie « normale », lui fourniront une aide primordiale. Suspendu de ses activités d'enseignant par le rectorat, puis condamné aux travaux forcés par le régime de Vichy pour vols de documents, il deviendra dès lors l'un des résistants les plus actifs de la région de Limoges. Ainsi, en janvier 1943 dévalisera-t-il une poudrière afin de se procurer les munitions dont ses hommes avaient besoin. Il capturera également le n° 2 de la phalange nazie Das Reich qu'il fera ensuite exécuter apprenant ce qui s'était passé à Oradour-sur-Glane. Mais, en 1944, malgré l'ordre qui lui avait été donné par l'un des responsables communistes, il refusera de libérer Limoges, s'inspirant de l'exemple de Tulle quelques semaines plus tôt et d'une localité qui avait cru trop vite à sa libération. Sans doute sa profonde capacité d'analyse et son humanisme l'amenaient-il toujours à ne pas livrer à la boucherie les hommes qui l'avaient rejoint et qui s'étaient placés sous son commandement, même face à un diktat. Et pour les dirigeants communistes, il n’était plus question en 1944 de se débarrasser de GUINGOUIN, que le succès de ses actions et sa popularité rendent incontournable. Il participera finalement à la libération de la ville deux mois plus tard sans l'appui des forces armées extérieures. Devenu maire de Limoges en 1945, il ne sera cependant pas réélu deux ans plus tard. Vivement attaqué par des responsables communistes en novembre 1945, il sera démis de ses fonctions au PCF puis exclu pour avoir interpellé Maurice THOREZ et lui avoir demandé des explications à la suite du traitement particulier dont il était l'objet. Le Parti Communiste le réhabilitera sur le tard en 1998 à un moment où il n'attendait plus rien. Marcel RIGOUT, l'ancien ministre communiste du gouvernement de Pierre MAUROY, reconnaîtra, dans un communiqué, que Georges GUINGOUIN, "tout au long de sa vie, de ses combats, avait toujours été un homme de conviction allant au bout de ses idées" et qu'il fut "d'un grand courage et d'une grande fidélité à son idéal"."

    Accusé en 1953 du meurtre de deux paysans, l'après-guerre le verra mis en cause dans une affaire qui fera la une de nombreux médias. Le 24 décembre, répondant à une convocation du juge d’instruction de Tulle pour témoigner dans une affaire d’assassinat remontant à novembre 1945, dans laquelle étaient mis en cause deux anciens membres du maquis, il ressortira du bureau du juge menottes aux mains et accusé de « complicité d’assassinat ». Aussitôt incarcéré à la prison de Brive, cette arrestation succédera à une nouvelle campagne de calomnies, initiée cette fois par le socialiste Jean LE BAIL, battu par GUINGOUIN aux municipales de 1945 mais élu député de Limoges en 1946. Après avoir apostrophé le juge, sévèrement rossé par deux gardiens à son retour en cellule, il sera interné à Toulouse considéré comme en état de démence pour s'être opposé au traitement dont il était l'objet. Il est vraisemblable que l’affaire avait été montée et suivie par d’anciens fonctionnaires du gouvernement de Vichy, restés à leurs postes ou réintégrés après la Libération qui voulaient se venger de lui. Georges GUINGOUIN sera finalement lavé de tout soupçon, au terme de plusieurs années d’un combat judiciaire où s’illustreront deux jeunes avocats promis à un brillant avenir : Robert BADINTER et Roland DUMAS. Il bénéficiera d'un non-lieu en 1959 et, parti s'installer en Champagne, il y redeviendra enseignant avant de prendre sa retraite en 1968. "Lou grand" décédera en 2005 à 92 ans.

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  • La propagande discutable de Vichy

    La propagande discutable de VichyPendant quatre ans, le maréchal PETAIN a été à la tête d'une vaste conquête des esprits. Mais, au bout du compte, ces tentatives n'auront trompé personne malgré une propagande qui, comme celle du boiteux Joseph GOEBBELS en Allemagne, s'était efforcé de rendre plus belle cette collaboration avec l'occupant nazi. La devise Liberté, Egalité, Fraternité, bien que remplacée par le slogan pétainiste Travail, Famille, Patrie, que restait-il en 1941 de toutes les valeurs humanistes qui étaient rattachées à notre pays ? Surtou après la poignée de mains discutable de Montoire ? Même si on justifiait ces nouvelles valeurs en pointant du doigt tout ce qui avait provoqué la chute du pays et de ses armées au printemps 1940.

    PETAIN avait beau clamer en 1941 à l'adresse de la population française des : « Vous n'êtes ni vendus, ni trahis », l'opinion lui sera très vite défavorable. Comme peut en attester la photographie ci-dessus, le ravitaillement restait la préoccupation première des citoyens français qui n'avaient pas autant manqué depuis le siège de Paris de 1870. Paul MARION, l'ancien communiste devenu Ministre de l'Information s'y était attaché dès sa prise de fonctions, il fallait accentuer la différence avec ce qui se pratiquait auparavant et mettre en place d'autres thèmes. Apologie des valeurs traditionnelles, culte de la personnalité du maréchal, exclusion de ceux que l'on considérait comme des parasites et dont la responsabilité était manifeste : francs-maçons, Juifs, communistes, étrangers, aucun des collaborationnistes ne ménagera ses efforts pour qu'on en arrive à exclure de la vie nationale tous ces parasites, à commencer par les Juifs, dès la fin de l'année 1940. Et cela sans que les nazis aient eu à intervenir dans les affaires du gouvernement de Vichy.

    La propagande discutable de Vichy

    En avril 1942, propagande ou pas, le courant de sympathie dont bénéficiait jusqu'alors le vieux maréchal se tarira, en lien, à l'été, avec les premières rafles de Juifs et l'affaire du vieux Vel d'Hiv de juillet. Et en lien aussi avec la mise en place très controversée d'un STO dès février 1943 et un accroissement de l'outil répressif symbolisé par la création de la Milice de DARNAND. Des initiatives impopulaires que la propagande de Vichy et de Philippe HENRIOT ne parviendra pas à faire accepter. Devenu Ministre de la Propagande, ce dernier tentera de profiter de la radio pour diffuser ses messages mais sans parvenir à être entendu d'une grande majorité de Français.

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