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Ernst Rohm, le prétendu rival du Führer...
Avec seulement 37% des voix des électeurs allemands en 1932, les choses étaient claires pour Adolf HITLER. Nommé chancelier quelques mois plus tard, il allait lui falloir désormais convaincre la droite conservatrice et l'armée qu'il était le seul recours. Mais cette dernière, était-elle prête à s'allier à ceux qu'elle avait longtemps combattus et aux S.A d'Ernst ROHM qui avaient en projet d'absorber la Reichswehr, ce qui pouvait faire peur. Ce même capitaine ROHM (ci-contre) qui, ne l'oublions pas, avait recruté HITLER en 1919 pour en faire ce qu'il est ensuite devenu à la tête d'un parti ouvrier de soixante membres appelé à très vite devenir le NSDAP, ce parti nazi symbolisé par un triste svastika. Et cela bien qu'il ait été plus proche des communistes que des milieux bourgeois sur lesquels son ami Adolf comptait s'appuyer pour prendre le pouvoir.
Nous préciserons que ROHM avait un certain passé militaire puisqu'il avait rejoint l'Académie Militaire de Bavière en 1907 dont il était sorti 96ème sur 124 en 1908 avant de servir dans l'armée allemande en qualité de lieutenant. Blessé à plusieurs reprises sur le front français, cet engagement lui vaudra d'être décoré de la croix de fer et d'être promu capitaine en 1917. Devenu membre de la Reichswehr, convaincu lui aussi que la défaite allemande était à rapprocher de responsabilités attribuées aux Juifs, c'est en 1920 qu'il rencontrera Adolf HITLER. Un Führer qu'il suivra même comme son ombre puisqu'à Munich, il demeurait à son retour de Bolivie 36 Regentenplatz le futur maître de l'Allemagne. Mais, en 1928, lassé par un campagne diffamatoire touchant à sa personnalité et notamment au fait qu'il soit un homosexuel, ROHM avait quitté un temps l'Allemagne pour devenir instructeur militaire en Bolivie. HITLER le rappellera en 1930 pour reprendre en mains les S.A.
On sait aujourd'hui ce qu'il en a été des cogitations de l'agité moustachu de Linz dès son arrivée au pouvoir de janvier 1933 et ses premiers mois passés à la Chancellerie. Si ce rapprochement de l'armée avec les S.A avait pu s'opérer, cela n'aurait-il pas été dangereux pour HITLER, ROHM de retour de Bolivie où il avait été un temps instructeur, ayant des visées ambitieuses et notamment celles de devenir le futur chef de l'armée du Troisième Reich, lui qui ne cachait pas, non plus, ses tendances homosexuelles et que l'on prenait souvent pour un être dépravé et un porc, aussi bien en Allemagne qu'à l'extérieur du pays ? A tel point que les caricaturistes s'en donnaient parfois à coeur joie comme le montre ci-contre l'une de ces reproductions publiées par Edmund GOLDSCHAAG dans le Münchener Post, un journal opposant à HITLER qui avait subi les foudres nazies dès l'arrivée au pouvoir du dictateur ! Au printemps 1933, ROHM était d'ailleurs mécontent car il avait cru pouvoir obtenir un poste de ministre et il avait craint que la révolution nationale-socialiste n'ait été détournée de son véritable sens. Il était en outre établi que le responsable des Sturm Abteilung (S.A) aurait aimé faire davantage prévaloir l'importance de mesures sociales lesquelles, si elles avaient été adoptées, aurait privé HITLER du soutien du Patronat allemand.
Ce serait donc pour anéantir toute velléité d'indépendance de ROHM et de ses S.A que le dictateur avait voulu leur mort. Comme l'écrit Hermann RAUSCHNING dans son "Hitler m'a dit", en dehors de sa dépravation, ROHM avait d'incontestables qualités et c'était sans doute ça qui faisait peur à l'entourage du nouveau Führer et à HITLER lui-même. Il était liant, sympathique, serviable, avait des dons remarquables d'organisateur et d'animateur. Seulement il souffrait du dédain hautain que lui faisaient sentir les militaires de carrière et il reprochait au nouveau maître de l'Allemagne de ne plus fréquenter que des réactionnaires. Il ne voulait pas d'un replâtrage de la vieille armée impériale, estimant que les généraux de la Reichswehr étaient de vieilles badernes et qu'ils ruineraient l'âme même du mouvement qu'il avait soutenu.
Pressé par le vice-chancelier von PAPEN et menacé également par le Président von HINDENBURG, la pression que subissait HITLER a fini par jouer un rôle. Mais fabriquée de toutes pièces par les éminences nazies qu'étaient Heinrich HIMMLER et Reinhardt HEYDRICH agissant sur la recommandation de GOERING et GOEBBELS, c'est une menace de complot imaginaire qui sera finalement à l'origine de ce qui a pris, depuis, le nom de "Nuit des Longs Couteaux", une expression tirée de l'une des chansons entonnées par les Sections d'Assaut de ROHM et destinée à mettre en garde leurs ennemis. Des longs couteaux dont on se servait aussi, selon certains nazis, pour égorger les porcs ! Sans que ROHM soit devenu un rival dangereux pour le nouveau maître de l'Allemagne, un an après l'arrivée au pouvoir de ce dernier, c'est plutôt le dégoût que les S.A inspiraient à beaucoup qui leur sera fatal. Autant que cette mauvaise image de ROHM évoquée précédemment. Pendant la nuit du 30 juin 1934, seront arrêtés et tués une grande partie des dirigeants S.A ainsi que certains des autres opposants à Adolf HITLER parmi lesquels le premier dirigeant du NSDAP Gregor STRASSER et l'éphémère chancelier von SCHLEICHER. Emprisonné à la prison munichoise de Stadelheim, Ernst ROHM sera pour sa part assassiné à coups de revolver le 2 juillet suivant par le SS EICKE après avoir été sommé de se suicider, ce qu'il refusera. Alexandre ADLER revient sur cette année 1934 qui aura sonné le glas des espérances de ceux qui pensaient encore pouvoir museler le pouvoir du futur dictateur nazi et plus d'un millier de personnes considérées gênantes par le nouveau pouvoir disparaîtront violemment au cours de cette nuit du 30 juin au 1er juillet 1934.
On ignore où Ernst ROHM a été enterré et on ne retrouvera jamais ses restes.
Tags : rohm, hitler, allemand, pouvoir, 1934
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