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Une Croix Rouge critiquable face aux nazis...
C'est incontestablement l'un des dossiers qui continue encore d'interpeller, plus de soixante-dix ans après les faits, parce qu'on ne comprend pas. Que la CROIX ROUGE, l'une des plus grandes organisations humanitaires du monde, n'ait pas cru devoir intervenir pour dénoncer les crimes nazis et l'existence des camps de concentration ainsi que ce que l'on y faisait subir aux Juifs, passe en effet toujours aussi mal...
La question revient d'ailleurs souvent dans la bouche des victimes de la Shoah lorsqu'on évoque la CROIX ROUGE et un comportement loin d'être irréprochable. Max UBER (ci-contre), le Président du Comité International de la CROIX ROUGE, reconnu être aussi un homme d'affaires avisé avait, semble-t-il, choisi son camp, privilégiant les entreprises qu'il dirigeait parallèlement et qui faisaient d'excellentes affaires avec l'industrie de l'armement du Troisième Reich. L'un des autres hauts responsables de l'organisation humanitaire, Carl-G. BURKHARDT était, pour sa part, considéré comme un anticommuniste notoire, ce qui peut justifier la tiédeur avec laquelle le CICR intervenait face aux nazis. Il apparaît également aujourd'hui que BURKHARDT aurait dissimulé au Comité les informations qu'il détenait à propos de ces déportations, alors que des femmes « insistaient depuis longtemps pour lancer un appel public contre le génocide juif ». Informée de ce que subissaient les Juifs dans les camps, la CROIX ROUGE avait donc choisi de fermer les yeux. Ce qui est le comble, c'est qu'UBER parlera même d'exagération lorsqu'il évoquera dans une lettre adressée au Troisième Reich ce qui était rapporté à propos des nazis. Alors que 30 000 déportés y avaient déjà été assassinés, l'un des responsables du CICR parlera même après une visite d'inspection et dans un rapport d'élégance à propos du camp de Dachau ! Heureusement que le ridicule ne tue pas !
En décembre 1939, le président du CICR, sans doute pour faire taire certaines "mauvaises langues" interviendra auprès de la Croix-Rouge allemande pour obtenir que des délégués du CICR puissent visiter les Juifs de Vienne déportés en Pologne. Mais il se heurtera à un refus, car les autorités allemandes ne voulaient en aucun cas évoquer le sort des Juifs. Dès lors, le CICR choisira comme stratégie de ne plus aborder directement la question des Juifs avec le Troisième Reich ; il ne le fera que par le biais d'interventions de portée générale relatives aux victimes d'arrestations en masse ou de déportations, sans mentionner de définition de nature religieuse ou raciale, même s'il était clair que les personnes concernées étaient, pour la plupart, des Juifs. Le 29 avril 1942, la Croix-Rouge allemande informera le CICR qu'elle ne communiquait pas de renseignements sur des détenus "non aryens", et elle lui demandera de s'abstenir de poser des questions à leur sujet. L’historien Meir DWORZECKI en donne l’explication : « Ceux qui étaient internés dans l’univers imperméable des camps de concentration (…) ne surent qu’une chose : ils ne virent pratiquement jamais des représentants du CICR dans les ghettos et les camps de concentration. Ainsi pour ceux en détresse dans l’Europe occupée par les nazis, l’institution qui pendant presque 85 ans avait symbolisé les secours à ceux qui souffrent et qui se battent contre l’injustice, le mal et la mort, devint une institution inexistante qui renia son passé ». Le 23 juin 1944, un délégué du CICR, le docteur Maurice ROSSEL, parviendra cependant à programmer une visite au camp de Theresienstadt où sa visite avait, semble-t-il, été préparée et une mise en scène soigneusement organisée. Il inspectera le ghetto sous la conduite d'officiers SS, sans avoir eu la possibilité de s'entretenir avec les juifs de l'endroit ni de pénétrer dans la forteresse. Deux représentants du gouvernement danois participeront également à la visite. Il était évident que les nazis étaient soucieux de mettre un terme aux rumeurs qui couraient à propos des camps d'extermination et de la solution finale déjà mise en oeuvre. Pour minimiser l'apparence de surpopulation, un grand nombre de juifs avaient d'ailleurs été déportés à Auschwitz, et de faux magasins et cafés avaient été construits à Theresienstadt pour donner l'impression d'un confort relatif.
Gerald STEINACHER, un enseignant à l'Université américaine du Nebraska a publié en 2013 un ouvrage sur ces relations ambiguës entre les nazis et la Comité International de la CROIX ROUGE, cherchant avant tout à comprendre. Comprendre, la chaîne ARTE s'y est également efforcée à l'aide du reportage ci-dessous. Sans que l'on y évoque un autre point brûlant de ces relations et la participation du CICR à une fuite des nazis (MENGELE et EICHMANN notamment) après la guerre et opérée en liaison avec certaines associations religieuses.
Tags : juif, rouge, cicr, croix, nazis
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