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Fernand de Brinon, l'ambassadeur collabo
Considéré et jugé comme collabo avec les nazis, le nom de Fernand de BRINON ne revient pas systématiquement sur les lèvres quand on évoque la collaboration pétainiste. Comme ceux de LAVAL, DORIOT, DEAT, BRASILLACH, CELINE ou DRIEU de la ROCHELLE et pourtant ! Pourtant cet avocat et journaliste sera l’un des agents de la collaboration avec les nazis durant la guerre de 1939-45. Ce qui est d'autant plus surprenant car son épouse Jeanne Louise Rachel FRANK était issue d'une famille de la grande bourgeoisie juive belge. Devenue marquise de BRINON en 1938, il semble que ce nouveau statut l'ait préservée un peu plus tard des mesures raciales du gouvernement de Vichy. Selon Pierre ASSOULINE, elle aurait même été déclarée « aryenne d'honneur » mentionné sur une sorte de certificat qui permettait de bénéficier, pour services exceptionnels, de clauses de sauvegarde incluses dans l'article 8 du statut des Juifs, et de la protection de Philippe PETAIN, chef de l'État français. La seule faiblesse de Fernand de BRINON était donc cette épouse juive, qu'il trompait ouvertement, mais qu'il n'abandonnera pas aux nazis. Nous préciserons que les nombreuses protections de Madame de BRINON suffisaient, car elle était tout à fait en phase avec les idées politiques de son mari. Aussi, n'aura-t-elle jamais à porter l'étoile jaune !
Né en 1885 en Dordogne où sa famille possédait des terres, le comte Fernand de BRINON était licencié en droit et diplômé en sciences politiques. Passionné de course hippique, et personnage mondain cultivant une réputation de séducteur – on lui prête même une liaison avec la comédienne ARLETTY – il était devenu au début des années 20 un journaliste respectable et respecté, bien que déjà farouche partisan d'un rapprochement avec l'Allemagne. C'est même lui qui avait approché Adolf HITLER peu après la parution de Mein Kampf pour rassurer ses compatriotes quant au sort que leur réservait "le fiancé de l'Allemagne". Nommé ambassadeur de France en Allemagne le 5 nov. 1940, puis délégué général du gouvernement français dans les territoires occupés le 17 novembre, il deviendra en 1942 Secrétaire d'État dans le gouvernement LAVAL. « BRINON, écrira L'Express dans l'un de ses articles, est l'un des visages les plus glauques de la collaboration que les archives filmées nous aient laissés. Toujours empressé auprès des officiels nazis, d'une obséquiosité sans retenue, adepte zélé du salut hitlérien, le délégué général de Vichy dans les territoires occupés, a gardé une place de choix dans la galerie de portraits des salauds absolus que nous offre cette période... Son entretien avec le Führer publié dans Le Matin en novembre 1933, la création du Comité franco-allemand et du club du Grand Pavois, ses fréquents séjours dans l'Allemagne des SA, lui valent une réputation encombrante. On le tient à l'écart, même si DALADIER aime à s'entourer de ses avis... Sans doute son entregent lui a-t-il permis de sauver quelques vies et de dispenser des juifs, dont sa propre femme, du port de l'étoile jaune, mais il couvre toutes les mesures de répression et met en oeuvre le pire, évoluant avec une aisance de grand prince au milieu de ce monde mafieux de la collaboration ».
Lors du procès du vieux maréchal, un juré, M. Lévy ALPHANDERY, lui demandera quelle avait été la réaction du maréchal au moment où il avait appris les atrocités commises contre les Israélites, citoyens de France. Une question à laquelle de BRINON répondra qu'il avait toujours eu, à ce sujet, des réactions extrêmes, vives, douloureuses, mais personnellement qu'il n'en connaissait pas de particulières, autres que ce qu'il avait pu lui dire dans les conversations, à savoir que c'était atroce, et qu'il fallait essayer d'y parer. Encadré par deux gendarmes, voûté, traînant la jambe de BRINON était à ce moment-là très malade — celui qu'on a appelé l'ambassadeur de Vichy à Paris — regagnait la prison d'où il avait été extrait. Il sera fusillé quelques mois plus tard.
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