« Un petit pas pour l'homme mais un grand pas pour l'humanité ! » En ce jour de juillet 1969 Wernher von BRAUN n'imaginait certainement pas trente-cinq ans plus tôt qu'il aiderait un jour les Américains à conquérir l'espace et à envoyer un premier homme sur la lune ! Mais ce serait oublier que si Von BRAUN a pu envoyer ARMSTRONG au firmament de la postérité pour l’éternité en juillet 1969, c’est aussi au prix de milliers de morts dans les camps de concentration nazis entre 1942 et 1945. Car à partir de janvier 1944, des V2 ont été en effet fabriqués et assemblés et cela dans des conditions inhumaines dans une usine du camp de concentration de Dora près de Nordhausen, un camp où périront 20 000 personnes. Wernher von BRAUN et les autres techniciens de Peenemünde seront regroupés en mai 1945 dans une ancienne caserne à Landshut (au Sud-Est de la Bavière). Pendant un mois leur sort sera même indécis, les Anglais ayant demandé avec insistance, aidés en cela par les Soviétiques, que Wernher von BRAUN soit jugé comme criminel de guerre, parce qu'il avait été l'auteur de centaines de morts causés par l'envoi de ses V2 sur Londres et Anvers.  

Né le 23 mars 1912 à Wirsitz en Pologne d'un père déjà engagé en politique, l'homme qu'était le jeune Wernher se passionnait déjà à dix-huit ans pour le monde aéronautique et se plaisait à mettre au point des petites fusées. Devenu en 1931 très jeune ingénieur en mécanique sa voie semblait même tracée. Dès l'arrivée d'Adolf HITLER au pouvoir, il avait adhéré au NSDAP soucieux sans doute de se donner davantage de moyens encore. Ces moyens arriveront d'ailleurs dès 1935 et une commande importante émanant de la Luftwaffe de GOERING. En échange, Wernher von BRAUN intègrera la SS sans qu'il se soit agi là d'une obligation. Au bord de la Baltique, à Peenemünde, Von BRAUN bâtira un centre de recherche ultra-moderne où sera fabriqué le premier missile balistique de l’histoire, qui atteindra l’espace en 1942. Son nom : le V2, une technologie développée avant tout pour tuer. Reconnu très tôt par le régime hitlérien, il sera promu pour ses mérites puisqu'il obtiendra le grade paramilitaire de Sturmbannführer en devenant commandant. Mais il reconnaîtra à la fin de la guerre n'avoir été nazi que pour poursuivre ses expériences et dès le 2 mai 1945, il se livrera aux Américains avec une petite centaine de membres de son équipe. Convaincu que les Français comme les Anglais manqueraient de moyens au sortir du conflit, son choix répondait à des nécessités. Bien qu'ayant fait appel à de la main d'oeuvre juive pour ses expériences, il ne sera pas inquiété. Il subira d'ailleurs lui aussi la répression de la Gestapo en 1944 car il avait osé mettre en doute la victoire finale du Troisième Reich, tout en ignorant sciemment la mortalité très élevée née de ses expériences. Certes, cette première réussite professionnelle en Allemagne, assombrie par son adhésion au nazisme dès 1932 aura fait de lui un homme qui a su rebondir après 1945 aux États-Unis. Sans doute avait-on perçu du côté américain tout ce que les Etats-Unis pourraient tirer de cet homme qui avait failli avec ses V2 changer le sort de millions d'hommes avant d'admettre qu'il s'était trompé si du moins il l'avait alors admis. Les Etats-Unis s'étaient donné la mission de « blanchir » le passé trouble de ces 88 « prisonniers de paix », le surnom qu'eux-mêmes avaient choisi. Il obtiendra en reconnaissance de sa collaboration la nationalité américaine dix ans plus tard, en 1955. Avant de se lancer dans une conquête de l'espace Wernher von BRAUN et son équipe élaboreront pour le compte de l'armée américaine des missiles balistiques dont le fameux Jupiter, qui jouera un rôle-clef pendant la Guerre froide (45 missiles Jupiter seront déployés entre la Turquie et l'Italie). Il aura ensuite consacré ses efforts au développement des lanceurs américains, dont la fusée Saturn V, lancée en 1965, qui conduira les astronautes américains à l’objectif fixé en 1961 par John F. KENNEDY : la Lune, travaillant alors au programme Gemini. Une étape cruciale entre les premiers vols habités orbitaux (Mercury) et le programme Apollo. Pourtant en mai 1964, les États-Unis étaient loin d’avoir gagné la course à l’espace, même s'ils avaient rattrapé leur retard sur l’U.R.S.S ! Tantôt adulé, tantôt honni, von BRAUN a ainsi suscité de nombreux ouvrages, certains étant même défavorables au nazi qu'il était resté dans leur esprit.

Responsable du projet Saturne V, il était cependant devenu aux Etats-Unis celui sur lequel on comptait pour concurrencer l'effort soviétique. Notamment après la réussite de leur programme Spoutnik et l'envoi en orbite de la chienne Laïka en 1957 puis en 1961 en vol habité du colonel Youri GAGARINE. Et cela malgré les réserves de l'ancien général EISENHOWER devenu Président des Etats-Unis en 1956. Tout au long de ces années de recherches, le génie de Wernher von BRAUN sera son alibi. Peu de temps après avoir mis un terme à ses fonctions au sein de la NASA von BRAUN décédera le 16 juin 1977 d'un cancer au pancréas, il n'avait que soixante-cinq ans. Hélas pour les historiens, sa fille Margrit von BRAUN, née en 1952, ne parviendra jamais à tout connaître du passé sulfureux de son père chez les nazis, un passé sur lequel il n'aimait du reste guère s'étendre.