• Qu'est-ce qu'on l'a aimée notre Joséphine !

    Qu'est-ce qu'on l'a aimée notre Joséphine !

     

    «Qu'est-ce qu'on l'a aimée notre Joséphine ! J'ai deux amours, mon pays et Paris...» L'image que l'on garde aujourd'hui de Joséphine BAKER c'est surtout celle de cette meneuse de revue qu'elle avait été et qui lui avait valu de chanter ceinte de bananes autour de la taille cette magnifique chanson déclinée avec un charmant accent américain évoquant ses deux amours et cette passion qu'elle avait découvert pour cette France et Paris. Elle deviendra même la plus Parisienne des Américaines. Mais un peu moins une autre image, celle de la merveilleuse défenderesse de la cause enfantine qui l'avait incitée dès l'année 1953 à en accueillir un grand nombre dans un château aux Milandes. Des enfants venus du monde entier dans une propriété qu'elle avait longtemps soutenue, une initiative qui l'avait quasiment ruinée et qui l'amènera à reprendre ses tournées à la fin de sa vie à un moment où elle aurait pu aspirer à un peu de repos. Mais ce que l'on sait moins c'est que Joséphine avait aussi été une résistante émérite pendant la guerre contre les nazis entre 1940 et 1945, ce qui lui vaudra d'être médaillée de la Résistance et d'être décorée de la Légion d'Honneur et de la Croix de Guerre. 

    Qu'est-ce qu'on l'a aimée notre Joséphine !On le sait moins, cette chanteuse d'origine américaine née Fréda Joséphine Mc Donald au sein d'un environnement de musiciens sans gros moyens avec sa soeur et deux frères, fille d'une mère esseulée et d'un père resté inconnu, sera très vite victime de la ségrégation raciale au terme d'une enfance douloureuse. Devenue un sexe-symbole, symbole des années folles, elle est restée la Cendrillon métisse du XXe siècle. Pour le biographe Jacques PESSIS, « elle n’a pas connu son père, et sa mère est née dans le Missouri. Je pense donc que les origines martiniquaises qu'elle évoquera ça fait partie de ces légendes qu’elle aimait faire courir pour le plaisir de faire de la communication. C’était une reine du marketing avant la lettre ». Vedette du music-hall et des années folles à dix-huit ans à peine, elle avait été aussi en qualité de lieutenant une correspondante des services secrets français. Elle se servira de sa position et de la reconnaissance dont elle bénéficiait pour lutter contre le racisme et aller vers une émancipation des noirs, notamment aux Etats-Unis. Le 18 août 1961, dans le parc d'un Château des Milandes déjà condamné à être bradé, elle sera d'ailleurs décorée de la Légion d'Honneur et de la Croix de Guerre. En 2021, cinquante ans après sa mort, elle sera inhumée au Panthéon. C'est en 1921 qu'elle avait rencontré William Howard BAKER et qu'elle l'avait épousé, s'installant avec lui en prenant son nom de BAKER qu'elle conservera même après l'avoir quitté. C'est son envie de danser qui la poussera à partir pour New York où elle aura l'occasion de s'illustrer après, certes, des débuts difficiles. Une rencontre marquante pour elle l'amènera à accepter de la suivre en France où un certain REAGAN (rien à voir avec celui qui sera président) projetait de monter un spectacle dont Joséphine BAKER serait la vedette. Avec sa troupe Joséphine effectuera la traversée New-York-Cherbourg en septembre 1925 sur le Berengana.

    Elle qui étouffait aux Etats-Unis, vivra cette arrivée en France comme une libération car il ne sera plus question d'avoir peur d'être noire au sein d'un pays réservé aux Blancs comme c'était le cas outre-Atlantique. C'est au Music-hall des Champs-Élysées d’octobre à novembre de 1925 qu'elle participera à la célèbre Revue Nègre, une revue qui ne mettait en scène que des noirs et où elle apparaîtra quasiment nue faisant naître un certain nombre de fantasmes chez ses admirateurs masculins et... féminins. C'est le succès de cette revue qui lui permettra de se lancer dans la chanson et le cinéma et d'interpréter ce célèbre : J'ai deux amours, mon pays et Paris, une chanson qui avait été écrite par Vincent SCOTTO. Et aussi d'ouvrir un cabaret. En 1927, pour la première fois avec le théâtre des Folies Bergère elle apparaîtra dans une revue où usant de pantomimes sensuelles elle jouera l'un des premiers rôles. C'est dans « La Folie du Jour » qu'elle s'illustrera même avec cette ceinture de bananes qui la rendra célèbre. Ce sera le début pour elle d'une tournée mondiale. Un nouvel impresario, un  nouvel amour avec Giuseppe ABATTINO, au départ tailleur de pierre originaire de Sicile. Sa liaison avec Joséphine durera dix ans, de 1926 à 1936.

    Qu'est-ce qu'on l'a aimée notre Joséphine !En 1929, le chômage explosant en France, elle participera durant cette période à des engagements sociaux en participant notamment à des soupes populaires organisées pour les clochards de Paris et des actions pour plus démunis. Elle sera la marraine du Pot-au-feu des Vieux, une œuvre qui distribuera des pots-au-feu à des personnes âgées dans le besoin. En octobre 1935, elle s'embarquera à bord du paquebot Normandie pour une tournée d'un an aux Etats-Unis où elle n'obtiendra pas le succès qu'elle escomptait. De retour en France, elle demandera à prendre la nationalité française. C'est avec le nouvel homme de sa vie, un industriel français juif, Jean LION qu'elle s'installera aux Milandes, une demeure de Castelnaud-la-Capelle en Périgord. PETAIN au pouvoir, elle le sauvera des camps de la mort en lui permettant avec sa famille de gagner les Etats-Unis, le pays où elle avait été discriminée ! Après l'invasion de la France par les Allemands, Joséphine refusera de se produire pour eux. Dès le début de la guerre, approchée par un officier proche du Général de GAULLE, elle deviendra espionne pour le compte de la France. Profitant de son statut d'artiste pour se déplacer librement en Europe et en Amérique du Sud le lieutenant qu'elle était devenue (en photo ci-contre) sera en mesure de transmettre des informations aux Alliés et aussi de se produire pour les soldats partis au front. Elle dira par la suite « C’est la France qui m’a faite. Je suis prête à lui donner aujourd’hui ma vie. Vous pourrez disposer de moi comme vous l’entendez » Après guerre, elle sera l'une des premières ambassadrices de la haute couture française. Elle sera aussi une mère attentionnée pour les douze enfants venus du monde entier, sa tribu arc-en-ciel comme elle l'avait surnommée, des enfants qu’elle adoptera après-guerre avec le nouvel homme de sa vie, Jo BOUILLON dont elle partageait les mêmes idées et qui, lui aussi, désirait s'investir dans cette sorte de grande famille. L'idée avait germé en 1953 au Japon, chez son amie Mme SAWADA, membre de l’illustre clan des Mitsubishi, qui avait ouvert à Tokyo le plus grand orphelinat d’Asie, et où, après-guerre, il ne manquait pas d’enfants. Chaque enfant de Joséphine et de Jo était entouré et choyé par une nurse, et ils seront tous habillés comme des petits anges, vivant dans un château où régnait luxe, calme et amour ! C'est à cette époque qu'elle achètera le Château des Milandes qu'elle louait depuis une dizaine d'années avec un Jo qui s'efforcera de contenir ses envies de star pas toujours raisonnable car Joséphine était une très mauvaise femme d'affaires. Ce sont les prémices d’une faillite prévisible qui mettront fin à leur bonheur. Victime de discrimination aux Etats-Unis elle sera d'ailleurs l’une des seules femmes à prononcer un discours lors de la fameuse marche sur Washington de Martin Luther KING en 1963.

    Mais après 1957, les choses iront moins bien pour elle et il semble qu'elle ait effectivement mal géré ses affaires en engloutissant des sommes monstrueuses pour faire tourner son domaine des Milandes où un personnel trop nombreux veillait à tout. En 1964, criblée de dettes et poursuivie par le fisc, elle sera contrainte de lancer un premier appel à l'aide. Emue par ce qui lui arrivait, Brigitte BARDOT lui enverra un gros chèque alors que les deux femmes ne se connaissaient pas. Le Château des Milandes sera néanmoins vendu en 1969 pour le dixième de sa valeur. Alors que la chanteuse était pratiquement ruinée et qu'elle avait voulu résister face aux menaces du nouveau propriétaire, c'est cette fois la Princesse Grace de Monaco qui lui procurera de l'argent lui permettant d'acheter une grande maison à Roquebrune dans les Alpes-Maritimes et de quitter les Milandes. Aidée également par la Croix Rouge, Joséphine remontera sur scène à l'Olympia en 1968 puis au Carnegie Hall en 1973 et enfin à Londres en 1974. En présence d'un parterre de célébrités elles célébrera l24 mars 1975 ses cinquante ans de carrière. Le 9 avril 1975, alors qu'elle était épuisée et qu'elle avait regagné son appartement parisien, à l'issue d'une quatorzième représentation, elle sera victime d'une hémiplégie et transportée à l'hôpital de la Salpétrière, dans un profond coma, elle s'éteindra le 12 avril à l'âge de 68 ans. Il semble qu'elle avait trop présumée de ses forces. Ses obsèques seront célébrées à l'église de La Madeleine le 15 avril suivant et sa dépouille ensevelie au cimetière de Monaco.

    Qu'est-ce qu'on l'a aimée notre Joséphine !

    On se souviendra d'elle comme celle d'une artiste qui avait souhaité dépasser ses origines noires et restituer dans ses danses les qualités que l'on prête aux peuples dits "primitifs" en tournant en dérision le racisme dont elle avait surtout été la victime aux Etats-Unis. Mariée cinq fois, sa vie amoureuse aura été assez tumultueuse.et on lui prête également plusieurs aventures bisexuelles avec des femmes dont COLETTE et Frida KAHLO voire la championne homosexuelle Violette NORRIS (à gauche dans la voiture ci-contre) qui deviendra nazie dès le début de la guerre. « J’ai deux amours » fait écho à ce goût, très années folles d’ailleurs, pour la transgression et pour une bisexualité affirmée. C'est une sorte de coming-out sur le désir libertaire d’une époque qui n’était pas plus en retard que la nôtre concernant les pratiques sexuelles. Avec COLETTE, les deux femmes noueront des relations amicales étroites, l'écrivaine ayant été subjuguée par le corps magnifique de Joséphine entrevu aux Folies Bergères. Cinquante ans après son décès, en 2021, ses cendres seront transférées au Panthéon, le temple des grandes figures de la République.

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