• L'affaire Dominici ou les insuffisances d'un enquêteur trop pressé

    L'affaire Dominici ou les nouvelles insuffisances d'un enquêteur trop pressé

    Le 5 août 1952, voici soixante-douze ans, et l'affaire avait eu un grand retentissement. Mais ce crime de Lurs n'aura jamais été comme l'affaire RANUCCI vraiment élucidé et, longtemps on aura cru sans le démontrer ouvertement à un crime commis par un vieil homme, Gaston DOMINICI dont la communication n'était pas le point fort et qui, malgré un air matois, était aux portes de l'illettrisme. Sans doute aussi parce que la carabine ayant servi au meurtre des trois Anglais demeurant à Nottingham lui appartenait. Mais revenons sur cette affaire qui aura beaucoup fait parler et qui met surtout en lumière le comportement discutable du responsable de l'enquête, un certain commissaire SEBEILLE, Edmond SEBEILLE venu de Marseille et lui-même fils d'un inspecteur de police.

    L'affaire Dominici ou les nouvelles insuffisances d'un enquêteur trop pressé5 août 1952 donc, à proximité de la bourgade de Lurs distante de 2 km, trois corps ont été découverts en cette matinée déjà chaude sur la route nationale 96 à un peu plus de cent cinquante mètres d'une ferme occupée par l'ensemble de la famille DOMINICI à l'exclusion de Clovis l'un des deux fils, en froid avec son père. Ce sont ceux d'un couple d'Anglais, les DRUMMOND, Jack et Anne, qui auraient été retrouvés à proximité de leur voiture une Hillman immatriculée NNK 686 (Photo en tête d'article) et de leur petite fille Elisabeth âgée de dix ans horriblement massacrée à coups de crosse de fusil, retrouvée quant à elle près d'un talus à soixante-dix mètres de là. Le pire, c'est que quelques heures avant la tragédie, aux alentours de vingt heures trente, des passants avaient vu la petite famille se restaurer gaiement sur le côté de la route sans rien noter de particulier. Les premiers éléments recueillis par les enquêteurs feraient état d'un crime commis aux environs de une heure du matin, à un moment où les trois Anglais aspiraient à prendre un peu de repos près de leur voiture. C'est Gustave, un homme de trente-deux ans (photo ci-contre), le fils du patriarche de l'endroit, Gaston un ancien métayer âgé de 75 ans qui, affolé, donnera l'alerte en arrêtant un motocycliste sur la RN 96 après avoir découvert le corps de l'un des trois Anglais vers cinq heures du matin. Dès 7h30 les gendarmes de la bourgade d'Oraison la plus proche seront sur les lieux, mais sans que la scène de crime ait pu être protégée avant leur arrivée permettant donc à beaucoup de ceux qui s'étaient arrêtés à proximité du carnage de dérober certains des objets éparpillés laissés sur place par le ou les tueurs. C'est dans un bras de la Durance que sera retrouvé un peu plus tard la carabine ayant servi à la tuerie des trois Anglais, une carabine automatique de modèle américain utilisée pendant la guerre et appartenant aux DOMINICI qui la conservait dans leur ferme. Pire encore, faute de disposer sur place d'un légiste, une autopsie sera effectuée à la morgue de Forcalquier à la va-vite par deux médecins généralistes dont ce n'était pas la spécialité.

    L'affaire Dominici ou les nouvelles insuffisances d'un enquêteur trop pressé

    Pour les premiers enquêteurs dépêchés sur place, et notamment le commissaire SEBEILLE venu de Marseille en début d'après midi, ce serait un vol qui aurait mal tourné, l'argent et les valises du couple ayant disparu. Ce vol aurait incité le ou les voleurs à tuer le couple d'Anglais et leur fillette qui aurait tenté de fuir avant d'être rattrapée et massacrée à coups de crosse de fusil. Encore que la fuite de la gamine ait eu du mal à être confirmée par la présence de pieds propres. Aurait-elle été tuée elle aussi à proximité de la voiture du couple et son corps déplacé ensuite ? Persuadé que les DOMINICI n'étaient pas étrangers à l'affaire et qu'ils auraient tué les Anglais parce qu'ils les avaient dérangés, le commissaire SEBEILLE soupçonnera vite la famille du patriarche (Photo ci-contre) d'être les responsables de la tuerie. A plus forte raison après le témoignage d'un certain Paul MAILLET auquel Gustave DOMINICI avait confié avoir entendu râler la fillette aux alentours de cinq heures du matin et l'avoir vu bouger un bras, alors qu'on l'avait donnée pour morte depuis déjà trois bonnes heures. Ce qui impliquerait que Gustave ait donc été sur les lieux du crime bien avant cinq heures du matin. Il sera donc le premier des DOMINICI à être arrêté par le commissaire SEBEILLE pour non assistance à personne en danger. Pour ce dernier, il était impossible que l'on n'ait pas entendu de la ferme les cinq ou six coups de carabine tirés vers une heure du matin mais l'épouse de Gustave, Yvette DOMINICI dira un peu plus tard que si des coups de feu avaient été entendus, il aurait été difficile de les localiser très exactement. Il avait donc été hors de question que l'on aille voir ce qui se passait au dehors et qu'il serait toujours temps de le faire le lendemain matin, d'autant qu'il y avait cette voie de chemin de fer à déblayer sur laquelle des cailloux avaient chuté malencontreusement provenant d'un éboulis dû à un trop fort arrosage du champ bordant la voie, cailloux qui auraient pu faire dérailler le train et coûter de l'argent à la famille du vieux DOMINICI, celle-ci risquant d'avoir à payer une amende à la SNCF. Pourtant, Yvette DOMINICI admettra au moment de l'enquête que son mari Gustave s’était levé peu après 1 h 30 du matin et qu'il était revenu quelques minutes plus tard, en lui confiant avoir vu Gaston et que celui-ci lui avait dit qu'il avait tué. Durant l’instruction, elle fera partie de ces personnes qui auront eu des déclarations changeantes. Mais que s'est-il donc vraiment passé durant cette nuit du 4 au 5 août 1952 ? Un autre témoin dira que les DRUMMOND seraient allés chercher de l'eau à la ferme le soir du 4 avant de regagner leur voiture garée sur le bas côté de la RN 96. D'autres, qu'il y aurait eu une altercation entre Madame DRUMMOND et Gaston DOMINICI et que celui-ci l'aurait tuée avec son fusil. En admettant cependant qu'il ait pu se servir de son arme, ce qui n'a pas été démontré non plus. Pour Edmond SEBEILLE, spécialiste des crimes de paysans, ce crime aura été celui de l'affolement face à des gens parlant une autre langue et pour être sûr que la petite Elisabeth ne parlerait pas, il avait fallu rattraper la gamine et l'achever.

    L'affaire Dominici ou les nouvelles insuffisances d'un enquêteur trop pressé

    Mais qui était exactement le père de cette fillette, Jack DRUMMOND (Photo ci-contre) ? N'était-ce pas lui qui avait inventé le pain «grisâtre» qui pendant de nombreuses années de guerre avec les nazis obscurcira les tables britanniques, et qui lui avait valu d'affirmer un jour que le pain blanc ne serait plus jamais consommé. Dès la fin du conflit, il sera à l'origine d'un cocktail liquide injectable qui sauvera la vie de nombreux déportés au moment de la libération des camps d'extermination, incapables pour un temps de se nourrir et de digérer normalement. DRUMMOND avait fait ses études à l'Université de Londres et il était devenu assistant de recherches en 1913. Anobli par la reine après la guerre, il était souvent présenté comme un biologiste ayant appartenu au domaine de la recherche, voire même à des services secrets comme l'Intelligence Service. Si on lui prêtait également certaines compétences dans le domaine scientifique, on ne pourra par la suite s'empêcher de faire le rapprochement avec son véhicule garé cette nuit-là à proximité de l'usine d'une société qu'il connaissait parfaitement bien, et avec laquelle il n'avait pu s'entendre quelques jours plus tôt avant d'être assassiné. Il était d'ailleurs déjà venu à Lurs à de multiples reprises depuis 1947 et cette année-là il revenait d'un séjour à Villefranche-sur-Mer passé chez des compatriotes. Des quotidiens britanniques iront jusqu'à proposer à tout témoignage permettant l'arrestation de l'auteur du crime jusqu'à 1 million d'anciens francs, une somme considérable pour l'époque.

    L'affaire Dominici ou les nouvelles insuffisances d'un enquêteur trop presséGaston DOMINICI arrêté après avoir été dénoncé par ses deux fils Gustave et surtout Clovis qui ne s'entendait pas avec lui, finira par avouer et il sera condamné à mort le 28 novembre 1954 à l'issue d'un procès de douze jours. Défendu par Emile POLLAK, rien ne parviendra néanmoins à faire du vieil homme ce qu'aurait voulu en faire le commissaire SEBEILLE. Le patriarche de la Grand Terre se défendra même en disant que les aveux qu'il avait fait lui avaient été extorqués par le commissaire et qu'il ne pouvait que se rétracter. Mais ne les avait-il pas un peu fait ces aveux pour protéger son fils Gustave qu'il croyait coupable du meurtre des trois Anglais ? Après un reportage de Cinq Colonnes à la Une qui avait été autorisé à pénétrer aux Baumettes de Marseille avec ses caméras, le général de GAULLE accordera sa grâce à Gaston DOMINICI et celui-ci sera libéré le 13 juillet 1960. Le vieil homme mourra cinq ans plus tard après avoir été admis à l'Hospice de Digne emportant avec lui tout ce qu'il n'avait pas voulu dire à propos de cette affaire.

    Qu'en est-il aujourd'hui de cette affaire et de ce que l'on a appris depuis sans toutefois que l'on ait accepté de réviser le procès qui avait conclu à la culpabilité du vieux DOMINICI. D'autant que pour le petit-fils Alain qui croit en l'innocence de son grand-père toute cette affaire n'est qu'une monstrueuse erreur judiciaire due à la partialité du commissaire Edmond SEBEILLE. Un certain BARTKOWSKI a été arrêté le 9 août 1952 par la police allemande. Le 12, il avouera avoir participé avec trois complices, SOLET, MOESTO et MORADIS, au meurtre de la famille DRUMMOND. Il se serait agi d’un commando de tueurs à gages. Seul problème, BARTKOWSKI était considéré comme un mythomane et donc...

    Yahoo!

    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :