Si l'affaire de ce condamné a fait grand bruit et si elle a eu le retentissement qu'elle a eu c'est peut-être aussi parce que Caryl CHESSMAN condamné à mort et exécuté en 1960 avait donné le sentiment d'avoir payé pour quelqu'un d'autre et sans doute aussi à cause d'un passé assez lourd de délinquant. Ce quelqu'un d'autre serait celui que l'on avait baptisé du nom de "bandit à la lanterne rouge" parce qu'il approchait ses victimes, des couples d'automobilistes, dans des endroits isolés en faisant clignoter une lumière rouge ressemblant à celle utilisée par la police. Il était en effet accusé d’avoir agressé et violé des femmes qui se trouvaient avec leurs compagnons à bord de leurs voitures sur des petites routes isolées ou les parkings de résidences privées dans les environs de Los Angeles. Seul à bord d’une conduite intérieure Ford, de couleur grise, le conducteur se positionnait derrière leur véhicule et actionnait alors ces fameux flash lumineux rouges faisant penser à un contrôle de police avant d'agresser ses victimes. Il convient de préciser qu'aux Etats-Unis, le simple fait d'avoir commis un tel crime de violences sexuelles était alors réprimé par la peine de mort. Arrêté avec un complice, à bord d’une Ford grise volée pour commettre un hold-up, le 23 janvier 1948, les enquêteurs découvrent un filtre rouge sur un des phare-avant du véhicule ! Après avoir avoué les faits lors de son premier interrogatoire plus que musclé, Caryl CHESSMAN se rétractera mais il sera trop tard. A huit reprises entre 1948 et 1959, son exécution à la chambre à gaz sera reportée avant que quelques minutes avant qu’il n’entre dans la chambre à gaz le 2 mai 1960 survienne un ultime sursis signé par un juge mais arrivé quelques dizaines de minutes trop tard, par suite de l’erreur d’une greffière. Elle s’était trompée, dira t-on, en recopiant le numéro administratif d’identification de la prison de Saint Quentin, ce qui empêchera d’arrêter l’exécution à temps. Caryl CHESMANN avait 38 ans. L'homme deviendra rapidement la figure emblématique de la lutte contre la peine de mort aux USA.

De son long combat entrepris pour protester contre cette mise à mort et demander la révision de son procès, restent aujourd'hui trois ouvrages écrits en prison par l'intéressé dont un est considéré comme un véritable chef d'oeuvre. Des livres qui avaient été écrits surtout pour que l'on abolisse la peine de mort. Etait-il coupable ou innocent, le doute subsiste encore, comme l'a chanté depuis Nicolas PEYRAC dans So far away from L.A, c'est vrai que l'on continue toujours à se poser la question. Lors d'un dernier entretien avec ceux qui le supportaient, Caryl CHESSMAN dira qu'il était certain de mourir avec dignité. Attaché à son fauteuil, il aura encore la force d'esquisser un mince sourire. A 10 h 03, le silence qui régnait dans la salle des témoins sera troublé par le bruit fait par les gouttes de cyanure tombant dans le bac d'acide sulfurique placé sous le fauteuil du condamné. Et l'on verra alors la tête de CHESSMAN se balancer d'avant en arrière lorsqu'il commencera à respirer l'odeur de fleur de pêcher caractéristique des émanations mortelles.

Mais revenons sur cette affaire qui précipitera Caryl CHESSMAN vers la mort. Alors que ces agressions s'étaient jusqu'alors bornées à n'être que des vols suivis parfois de viols de jeunes femmes, le 19 janvier 1948 sera commise une dernière agression sans qu'il y ait mort de la victime, une certaine Régina ayant même été contrainte par son agresseur de lui faire une fellation. Quatre jours plus tard, les policiers arrêteront deux hommes coupables d'un vol de bijoux et un filtre rouge sera découvert dans leur voiture qui les amènera aussitôt à accuser les deux gangsters de l'agression du 19 précédent. Ce dont protestera CHESSMAN qui prétendra avoir pu voler la voiture du premier agresseur mais sans être responsable de ce on l'accusera et qui causera sa perte. Certes, le présumé coupable n'était pas un saint et c'est son lourd passé de délinquant qui jouera contre lui, un passé qui lui vaudra d'avoir passé plus de la moitié de son existence derrière les barreaux. Durant l'instruction, il sera également soupçonné d'avoir été mêlé à l'enlèvement du bébé de l'aviateur Charles LINDBERG qui sera retrouvé mort, ce qui le privera au moment de son procès des circonstances atténuantes qui auraient pu lui éviter une condamnation à la chambre à gaz. Pire, privé d'avocat, Caryl CHESSMAN se défendra mal et sera considéré par les membres féminins du jury comme un être arrogant. Ce que l'on retient aujourd'hui de ce procès c'est aussi et surtout les nombreux dysfonctionnements commis par la justice et qui auront entaché la peine requise.