• 11.1972... Buffet et Bontems, les derniers à monter à l'échafaud à Paris

    Buffet et Bontemps, derniers à monter à l'échafaud

    Buffet et Bontemps, derniers à monter à l'échafaud

    Si on oublie le détail des délits et crimes dont ils ont été accusés, ce dont on se souvient et qui aura longtemps marqué les esprits, c'est que BUFFET (ci-contre à gauche) et BONTEMS (à droite) auront été parmi les derniers condamnés à mort à monter à l'échafaud à la Prison de la Santé et à avoir la tête tranchée. C'était le 28 novembre 1972 à 4 heures 30 du matin après le refus du Président POMPIDOU de gracier les deux hommes et cet odieux assassinat survenu à la prison de Clairvaux en septembre 1971. Un verre d'alcool, une cigarette, l'assistance d'un prêtre leur seront proposés, mais BUFFET refusera. Seuls après cette exécution suivront celle de Hamida DJANDOUBI en 1977, reconnu coupable d'avoir torturé puis étranglé sa maîtresse, qui sera guillotiné dans la cour de la prison des Baumettes à Marseille et celle de Christian RANUCCI en juillet 1976 pour le meurtre de la petite Marie-Dolorès, une fillette qu'il ne reconnaîtra pas malgré des aveux jugés tendancieux arrachés par des enquêteurs trop soucieux d'en finir rapidement.

    Ces deux hommes, tout semblait pourtant les opposer. L'un, Claude BUFFET, un adolescent rebelle et asocial, ancien légionnaire et déserteur, psychopathe, est devenu tueur après avoir débuté son long parcours délictueux par le vol. Dès son retour à la vie civile et être parti se battre en Indochine pour rompre avec son milieu familial puis au 4è REI au Maroc, vivant de petits boulots, il se spécialisera dans les vols à l'arraché et les agressions à main armée avant de commencer à tuer. Il s'était fait une spécialité d'agresser des femmes seules et il revendiquera une soixantaine de ces agressions. En janvier 1967 après avoir volé un taxi il hèle une belle jeune femme élégamment vêtue, Françoise BESIMENSKY et il l'emmène dans l'une des allées du bois de Boulogne à Paris puis, la mettant en joue avec son arme, il lui demande son sac à main. Parce qu'elle avait tenté de résister, il la tuera d'un coup de revolver. Pour détourner les soupçons, il maquillera le crime en acte sadique, dénudant le corps et enfonçant un poudrier dans le sexe de sa victime. BUFFET est il est vrai un homme jusqu'au-boutiste, résigné, qui n'entendait pas perdre son temps et qui avait plusieurs fois dit qu'il tuerait encore et qui précisera à plusieurs reprises attendre la mort. La police croira un premier temps que la victime, un mannequin marié à un médecin, avait été assassinée par un satyre. Mais des détails louches feront finalement douter les enquêteurs, qui parviendront vite à remonter jusqu'à BUFFET qui sera arrêté le 8 février 1967. « Il avait des yeux et un regard hors de toute humanité », dira un peu plus tard de lui Maître NAUD, un avocat qu'il avait récusé dans une affaire qui lui vaudra d'être condamné à perpétuité, les psychiatres l'ayant estimé être un fou dangereux. 

    L'autre Roger BONTEMS, un homme plutôt falot et effacé donnera plutôt le sentiment d'avoir subi l'influence de BUFFET, une grande gueule s'il en est. Il semble bien que BUFFET ait très vite vu le parti qu'il pouvait tirer de BONTEMS, lui, qui était un beau parleur, un peu fascinant avec des yeux clairs et rusés. Il aura d'ailleurs tôt fait d'embrigader son co-détenu dans un projet d'évasion. D'abord instructeur militaire après avoir été parachutiste, BONTEMS deviendra plombier dans le Doubs après avoir été victime d'un accident de moto et avant de tenter de vivre de ses vols. Un banal retard à la suite d’une énième visite médicale le poussera à commettre son premier larcin. Ayant raté le car du retour, il volera une voiture à Epinal. Interpellé, il écopera de 18 mois de prison en juin 1960. Ce sera le début de l’engrenage. Suivra l'agression d'un chauffeur de taxi puis un braquage commis dans un bistrot avec un revolver factice. Condamné en 1965 par la cour d’assises de Meurthe-et-Moselle à une peine de 20 ans de réclusion, il simulera une crise d’appendicite et s’échappera pendant son transfert à la clinique. Repris deux jours plus tard, il sera incarcéré à la centrale de Clairvaux, réputée être très dure.

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    Avec Claude BUFFET, les deux hommes partageront la même cellule à Clairvaux où ils purgeaient leur peine et BONTEMS était une fois encore décidé à s'évader et peu disposé à purger les vingt années d'enfermement. Isolée à 13 km de Bar-sur-Aube, ceinturée de hauts murs, précisons que la centrale de Clairvaux accueillait en 1970 plus de 500 détenus qui avaient été condamnés à de lourdes peines. De leurs derniers méfaits, reste surtout cette tuerie perpétrée à la Prison de Clairvaux le 21 septembre 1971 où une infirmière de 35 ans, maman de deux enfants, Nicole CONTE, et un gardien de 25 ans du nom de Guy GIRARDOT seront tués à coups de couteau. Une arme qui sera au centre des débats lors du procès où seront évoqués deux armes : un couteau semble-t-il de fabrication artisanale forgée sur place par un détenu forgeron que s'était procuré BUFFET contre une vingtaine de paquets de cigarettes avec une lame impressionnante d'une vingtaine de centimètres effilée comme un rasoir et un opinel, celui de BONTEMS curieusement acheté par ce dernier à la cantine de la prison. Mais à Clairvaux, tous les détenus avaient leur couteau et tous les gardiens le savaient, le directeur aussi. Parce que tous avaient peur les uns des autres. Il apparaîtra que BUFFET et BONTEMS auraient réalisé tranquillement leur prise d'otages, après avoir circulé dans l'enceinte de la Centrale de Clairvaux jusqu'à l'infirmerie, bardés de planches de bois nécessaires à leur barricade, et cela sans rencontrer le moindre contrôle. Ce qui est plus sûr, c'est que prétextant des douleurs abdominales afin d’être conduits à l'infirmerie du centre de détention, les deux hommes étaient décidés à prendre des otages. Ils exigeront pour parvenir à fuir que l'on mette à leur disposition plusieurs armes un véhicule et une somme de dix mille francs. Les deux hommes iront d'abord jusqu'à menacer d'amputer l'un des bras du gardien pour que leur détermination soit mieux prise en compte. Après quasiment une journée de siège, et l'assaut donné en pleine nuit en présence du procureur de la République de Troyes par les forces de l'ordre placées sous le commandement du commissaire PELLEGRINI, les deux malheureux otages seront aussitôt tués, vraisemblablement par le seul BUFFET et sans que l'opinel de BONTEMS ait servi, ce qui sera démontré. Seul survivra un troisième otage, un détenu-infirmier que BUFFET n'aura pas le temps d'achever. Les deux hommes seront conduits à l’hôpital par les gendarmes, après avoir été maîtrisés par des gardiens désireux de les lyncher pour venger la mort de leur camarade GIRARDOT et de l'infirmière de la prison. 

    Au cours de leur procès de juin 1972 à Troyes devant la Cour d'Assises de l'Aube, l'avocat de BONTEMS, Robert BADINTER plaidera pour éviter à son client la mort qui lui semblait depuis longtemps acquise, alors qu'il n'avait, selon lui, pas donné la mort, ce qui l'avait révolté et qui sera un préambule dans la lutte qu'il mènera pour l'abolition de la peine de mort. D'abord en revenant sur cette défense dans un livre qu'il publiera en 1973 : L'exécution. Parce qu'il y avait eu là une même condamnation pour deux rôles différents. Ce qui incitera BONTEMS à déposer seul un pourvoi en cassation qui sera rejeté avant la fin de l'été. « Il était là derrière moi, à un mètre dans le box. Je sentais son souffle. Je savais que si je ne réussissais pas, je l'accompagnerais bientôt à la guillotine ». La légende vivante de l'abolition de la peine de mort en France, Robert BADINTER, saura trouver des mots simples pour décrire la chape de plomb qui tombait sur les assises lorsqu'un homme y risquait sa tête. Au cours de ce grand procès, il régnait une atmosphère de festival. C'est l'avocat Thierry LEVY qui assurera la défense de Claude BUFFET. Envahie de journalistes, la ville de Troyes se sentait être au cœur de l’actualité avec la présence des radios, des télévisions, et de journaux pleins d'une affaire dont on avait beaucoup parlé. Sans doute Robert BADINTER ignorait-il alors qu'il serait à nouveau sollicité par la défense d'un autre célèbre tueur de la région du nom de Patrick HENRY qui, quelques années plus tard donnera la mort au petit Philippe, un enfant sans défense. Mais, sans pour autant qu'il intervienne en 1974 pour défendre le Marseillais Christian RANUCCI. Le Président POMPIDOU, qui avait refusé de gracier les deux condamnés, avait-il été révolté par une lettre de Claude BUFFET qui menaçait du tuer à nouveau s'il était gracié ? Difficile à dire.

     

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